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- MON HISTOIRE -

Je ne me suis pas présenté, je m'appelle Corwin Ravencroft. Je suis un semi-elfe, fils adoptif du Pr Berlupin et celui que l'on appelle l'Archiviste. Voici mon histoire.
Mon père, Sir Brendan Ravencroft, fût le meilleur ami de Nicéphore. Ils se rencontrèrent au Trinity Collège à Dublin lorsque ce dernier vint étudier le Livre de Kells. Il était persuadé d'y trouver des pistes, laissées par les Maitres-enlumineurs qui l'auraient mené aux Sidhs du Petit Peuple. Il passa énormément de temps à étudier le folio 34r, la fameuse page Chi-Rhô. Mon père était aussi passionné que lui mais pour d'autres raisons. En bon irlandais venu d'une famille catholique traditionnelle, il portait le prénom du fameux Saint Brendan. Mais il croyait également beaucoup aux légendes qu'il connaissait depuis tout petit. Une avait d'ailleurs une importance capitale à ses yeux et l'avait mené devant le livre de Kells. Venant d'une des grandes familles irlandaises, il avait été bercé avec l'idée qu'un esprit féérique veillait sur la famille et donc sur lui. Il était tombé à l'âge des premiers émois sur un vieux tableau dans le grenier de la demeure familiale qui montrait une femme incroyablement belle. Elle portait une grande robe diaphane, un visage altier et grave et une chevelure très longue, si blonde qu'elle en était presque blanche. Ce portrait l'avait énormément marqué... Il la voyait en rêve, sentait sa présence d'abord dans sa chambre, puis le temps passant dans toute la maison. Quand il atteignit l'age adulte, elle devint omniprésente. Il croyait sentir son parfum partout où il allait, le parfum dont elle se paraît dans ses rêves. Il voyait son sourire dans le reflet des vitrines, du coin de l'oeil. Il avait l'impression d'être épié en permanence non pas d'une façon inquiétante mais plutôt bienveillante. Il interrogea ses parents, ses tantes et oncles, sa grand-mère paternelle. Il visita de lointains cousins qu'il n'avait jamais rencontré. La plupart confirmèrent ressentir également une présence bienveillante dans les moments tragiques. Les plus pieux parlèrent d'ange-gardien. Il finit par dégôter une arrière grand-tante, plus que centenaire d'après certains anciens, qui vivait recluse dans une chaumière, dans la forêt de Killarney. Elle faisait partie d'une branche oubliée de la famille, ses frères et soeurs, cousins et cousines, son mari et ses enfants étaient partis avant elle. On la disait sorcière ou enchanteresse. D'autres l'appelaient devineresse ou rebouteuse. Elle le reçut rudement, pleine de suspiscion et de dédain.
"Qui es-tu?"jappa-t-elle.
"Je m'appelle Brendan Ravencroft, je suis un de vos lointains parents."
A ces mots, un étrange sourire remonta le coin gauche de sa bouche, laissant luire deux dents, l'une en argent et l'autre en or. Sourire bien peu engageant, soit dit en passant.
"Le nom est important." lâcha-t-elle.
Elle lui fit signe d'entrer, retourna dans sa chambre et revint avec un vieux livre qu'ornaient les armoiries de la famille Ravencroft, 2 corbeaux, l'un blanc, l'autre noir, perchés de chaque côté d'un chêne tordu qui semblait avoir été frappé un nombre incalculable de fois par l'éclair. Il avait été fait d'un cuir noir brillant, mais il était devenu mat et la reliure était mangé par les mites. Elle lui dit qu'il contenait l'arbre généalogique de la famille, remontant sur plusieurs générations et que c'était elle et avant elle sa mère et sa grand-mère qui y avaient consigné scrupuleusement les naissances et les décès. Elle l'ouvrit par la fin, il y vit son nom, sa famille proche, les disparitions les plus récentes étaient également mentionnées.
"Mais comment peut-il être mis à jour si régulièrement alors que la famille a oublié votre existence?"
"Je n'ai pas besoin d'être présente pour avoir la connaissance. On me chuchote l'histoire de la famille à l'oreille à chaque évènement."
"Mais comment???"
"La Banshee..." Mon père fut interloqué.
"Vous êtes devenus trop chrétiens. Vous vous racontez cette histoire comme une légende et vous ne l'entendez plus crier. A chaque décès, son hurlement transperce mes oreilles. A chaque naissance, une chanson lointaine."
Il remonta jusqu'au début du livre, au sixième siècle et y vit 2 noms à l'origine de la famille, le tronc de l'arbre généalogique, cet arbre tordu comme celui des armoiries. Corwin Ravencroft et Siobhan. Elle n'avait aucun nom, mais il reconnu le portrait peint. C'était elle, la femme de ses rêves, la dame blanche, la Banshee.
"Tu la reconnais." dit la vieille femme.
"C'est celle qui hante tes rêves, celle qui est à l'origine de notre famille, qui nous lie au Petit Peuple. Elle tomba amoureuse de notre ancêtre Corwin et à sa mort, elle retourna dans son monde mais elle continua à veiller sur sa descendance."
Il décida à cet instant qu'il finirait pas la trouver coûte que coûte, qu'il y consacrerait sa vie s'il le fallait. Il sentait que c'était ce qu'il devait faire.
" Elle sait que c'est ton destin, unir à nouveau nos 2 mondes, à ta naissance, la chanson était si belle que j'en ai pleuré, j'ai sû alors qu'un jour tu viendrais et que je devrais t'aider. Elle a semé des indices dans ta vie, à toi de les trouver. Retourne à tes racines, remémore-toi chacune de mes paroles et les signes te sauteront aux yeux. Maintenant, va."
Il fit de longues recherches, plusieurs années à parcourir la campagne comme les registres paroissiaux, notant chaque fait important. Il revint voir la vieille tous les mois, demandant des précisions sur tel ou tel ancêtre. Il remonta de ses propres racines à celles de ses parents, ses grand-parents, génération après génération. Au bout de 6 ans, il arriva à ses personnages, Corwin et Siobhan. Il chercha dans les registres s'il trouvait trace d'un mariage entre un Corwin et une Siobhan, deux noms assez mémorables. Il en trouva une trace au Pays de Galles, une union célébrée dans la chapelle du monastère de Llancarfan. Il décida de s'y rendre. On mit à sa disposition tout ce qui n'avait pas été perdu, détruit pas le temps ou l'humidité. Il trouva à nouveau la trace qu'il suivait, cette union célébrée en 529 par un moine, Frère Brendan. Ce nom alluma une chandelle au dessus de sa tête, lui revint en mémoire les premiers mots de la vieille, Le Nom est important... Le Nom, son Nom, celui de ce moine, ce ne pouvait être une coîncidence. Il appela le Frère qui lui avait mis cette documentation à disposition pour en savoir plus. A la mention du nom de Brendan, il sourit chaleureusement.
"Voyons jeune homme, vous êtes irlandais et vous ne connaissez pas Saint Brendan?".
Encore une fois, notre Brendan tomba des nues.
"Comment? Saint Brendan? LE Saint Brendan???"
"Mais bien sûr! Il rentra dans les ordres dans notre monastère. Quelle chance que vos ancêtres aient été unis par lui, ce fut sûrement une bénédiction! Il partit quelques mois plus tard pour le grand voyage qui lui permit de découvrir cette île légendaire, l'île de Saint Brendan."
Abasourdi, le jeune homme reprit ses recherches mais cette fois-ci, sur cette grande figure irlandaise. Il étudia pendant plusieurs années l'histoire du fameux Saint, lu le Vita Brendani I Betha Brenainn, le Navigatio sancti Brendani abbatis, également le De Reis van Sinte Brandaen écrit en vieux néerlandais. Il fini par trouver au bout de cinq longues années épuisées dans de vieux livres poussièreux de nouveaux indices. C'est au monastère de Clonfert dans le comté de Galway, qu'il découvrit les mémoires de Saint Brendan. Il y découvrit que c'était eux qui étaient venus lui demander de les marier. Il avait été très impressionné, il semblait émaner quelque chose d'eux. C'est pour cela qu'il accepta bien que la jeune femme avoua ne pas être baptisé, ni même catholique. Il était très sensible aux croyances païennes qu'il respectait et il lui sembla qu'elle y était en quelque sorte affiliée.  Elle lui prédit qu'il en serait remercié, qu'on se rappelerait de lui pendant des siècles et des siècles, que son nom deviendrait légendaire lors de son prochain voyage et qu'il lui serait permis de poser le pied en Faérïe. C'est ainsi qu'il apprit qu'elle n'était pas de nature humaine, il la remercia grandement et béni leur union. Par la suite, il entreprit enfin son voyage en currach et découvrit l'île fantome qu'il nomma Eden et qui devint l'Ile de Saint Brendan dans la légende. Notre jeune homme découvrit qu'en 561, il fonda le monastère de Clonfert. En 575, au concile de Druim Ceat, il rencontra un moine copieur nommé Criamtham qui venait d'Iona.  Il lui raconta le don que les fées lui avaient fait et lui demanda de passer son histoire à la postérité. Le problème étant le caractère magique et non chrétien de son voyage. Criamtham coucha son histoire sur un manuscrit en lui promettant qu'il réussirait à la conter sans éveiller les soupçons. Notre jeune homme ne découvrit rien de plus sur cette entrevue et décida de partir visiter ce monastère. Mais sur l'île, uniquement des ruines, le monastère avait été détruit par des invasions vikings au 9eme siècle. Les moines et leurs manuscrits avaient fuit se réfugier à Kells. Notre Brendan reparti donc pour Kells. C'est là qu'il apprit que Criamtham fut plus connu sous le nom de Saint Columba, qu'il écrivit son fameux psautier, le Cathach de Saint Columba en gaélique et que ce dernier fut la base du fameux livre de Kells. Et qui donc au bout de 12 fastidieuses années de recherches le mena enfin au Trinity Collège où, aussi perdu dans ses pensées que Nicéphore, les fit se bousculer devant cette vitrine juste devant la page Chi-Rôh.
Ils se découvrirent cette passion commune autour d'une pinte dans un pub. Pendant 2 ans, mon père Brendan, fut de toutes les aventures, de toutes les recherches d'Onésime. Ils découvrirent ensembles les secrets du Livre de Kells qui les mena jusqu'aux portes du Sidh, jusqu'en Faérïe. C'est là que mon père la vit, Siobhan, la banshee qui veillait sur la famille Ravencroft, celle qui allait devenir ma mère. Il ne mit pas longtemps à la courtiser. A vrai dire, elle attendait sa venue depuis plusieurs générations. Elle lui fit visiter les Sidhs, l'emmena même à Tir Na N'og, qui portait maints noms tels qu'Avalon, Mag Meld, la Plaine de la Joie, celle-là même où Saint Brendan crut voir son Eden. Et je naquis, humain de père et féérique de mère, l'on pourrait m'appeler semi-elfe bien que la génétique elfique soit extrêmement compliquée. On  m'appela du nom de mon ancêtre qui fut si cher à Siobhan. L'on pourrait parler d'inceste mais cela n'a rien de choquant là-bas. Ici, la chronologie se brouille. Le temps passe différemment en Faérïe, parfois plus vite ou bien plus lentement. Mon père vieillit peu à peu alors que Berlupin, que je considérais comme un oncle, prenait des potions pour ralentir en lui les effets de la vieillesse. Il finit par faire ses adieux à mes parents et à moi-même puis, assoiffé de connaissances et enrichi d'un peu magie féérique, il décida de repartir dans le monde des humains. Les années passèrent, on eut quelques nouvelles de lui, mon père semblait perturbé à chacun de ses messages. Puis mon Peuple décida de prendre part à une grande guerre des humains. Berlupin les avait persuadé que se dévoiler au monde restaurerait l'équilibre perdu, que leur magie serait bénéfique au monde des humains. Mon père m'avait tellement parlé de son monde que j'eu envie de partir. Cela l'inquiéta encore plus mais Mère le rassura en lui disant qu'elle veillerait sur moi et que je ne partirais pas seul. J'en profitais pour m'enrôler, du fait de la place de Mère et du titre de mon père dans le monde humain, j'obtins mes galons de Caporal dans un régiment de Knights, ainsi que l'on appelait les troupes venues de Faérïe. C'est là que je retrouvais nombre de compagnons avec lesquels j'avais grandi.
Malheureusement, nous fûmes trompés par Berlupin. Je compris pourquoi mon père avait pris ses distances et voyait d'un mauvais oeil mon enrôlement dans cette guerre. Onésime était devenu fou, il avait fait quelque chose à son corps pour se doter de l'immortalité mais cela avait modifié son esprit. Il nous avait vendu au haut-commandement humain. Nous nous détruisimes entre peuples féériques car l'Unseelie Court avait rejoint le camp adverse. Nos troupes se décimèrent mutuellement, je vis des compagnons tomber, ensevelis dans les tranchées, asphyxiés par les gaz des Dragons allemands. J'en vis se relever, morts pourtant, envoyés par les nécromants pour nous tuer dans notre sommeil. Certains devinrent fous, d'autres défigurés et d'autres encore condamnés à ne jamais revoir Faérïe, à rester dans le monde des hommes, comme des parias, ni elfiques, ni mortel... Je finis moi-même la poitrine labourée par un éclat d'obus, lors d'un assaut sur le Chemin des Damoiselles. On m'amena à un hopital de campagne, sur le front même et sur lequel courait d'horribles rumeurs. Les humains en ressortaient rarement en vie, les fés plus souvent comme si le chirurgien qui y officiait avait été plus versé dans les arts curatifs magiques que dans la connaissance d'un corps humain. L'on parlait à demi-mots d'expériences étranges... Lorsque j'arrivais, délirant sur ma civière, hoquetant des bulles de sang provenant de mes poumons déchirés, je ne le reconnus pas. Mais lui vit le blason des Ravencroft cousu sur mon épaule droite. Il sut qui j'étais, en voyant les yeux bruns que je tenais de mon père alors que ma mère les avait eu violets. Il fit ce qu'il put pour me sauver usant de magie elfique autant que de science humaine. L'obus qui m'avait dépourvu de respiration avait été chargé de magie noire, les sorts de guérison furent de ce fait inefficace. Il décida donc d'utiliser la bio-ingénierie inventée par le peuple nain. Il me dota de poumons mécaniques, me remit sur pied. Il me parla longuement pendant ma convalescence, m'expliquant les horreurs qu'il avait faite... La folie qui l'avait pris, les assassinats dans le quartier de Whitechapel tout au long de l'an 1888, sa fuite en allemagne, ses essais d'hybridation humano-elfique, la fabrication d'armes magiques, la trahison du Peuple Fée. Il était venu ici pour profiter de la profusion de cadavres de mortels et d'immortels, pour continuer ses expériences. Mais le jour où il vit arriver sur sa table d'opération une fée qu'il avait aimé en Faérïe... Son beau visage avait été défiguré par les crocs d'un lycan germain, ses ailes avaient été coupées, servant sans doute de trophée... Il éprouva un tel choc... Sa beauté disparue à tout jamais, son âme perdue pour Tir Na N'og... Il se rendit compte de l'horreur de son acte, de l'ampleur de sa trahison. Dès lors, il fit son possible pour sauver le plus de soldats elfiques, au détriment de ceux de sa propre espèce. Certains pourtant ressortirent de son antre sanguinolante pourvus de nouveaux attributs magiques, devenant par là même les fameux hybrides qu'il avait tant voulu mettre au monde. Ses créations ne naquirent non pas dans l'harmonie comme il avait voulu, mais dans la souffrance et le sang. Cependant, il en sauva quand même beaucoup, humains ou fées. Il décida de passer le reste de sa vie à tenter de se racheter, devenant un des plus ardents défenseurs du Petit Peuple, mais il ne put jamais y retourner. Moi non plus d'ailleurs, je restais semi-elfe, je gardais mes oreilles pointues mais la Guerre m'avait marqué dans ma chair et mon âme. Je décidais de ne jamais retourner entâcher de ma présence meurtrie les vertes collines de mon enfance. Je devins son confident, son assistant, son ami.  Je l'accompagnais dans nombres de péripéties et d'explorations, je le vis devenir meilleur de jour en jour, sa folie s'était noyée dans le sang de la Grande Guerre. Il finit par faire de moi son fils adoptif.
Il disparu après la seconde Grande Guerre, afin de mettre ses travaux à l'abri de mains néfastes, préférant oeuvrer dans l'ombre. Je ne sais où il se cache mais c'est lui qui m'a indiqué où trouver ses archives. Je reçois encore de temps en temps un dossier, une coupure de journal ou un artefact magique à dévoiler au grand public.

 

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